Voici une analyse de cette chanson par Kees de Graaf :
INTRODUCTION
Quelque part Dylan a écrit : " S’ils pouvaient voir mes rêves-pensées, ils me
mettraient probablement la tête sous la guillotine ".
Heureusement cela ne s’applique pas à cette série de rêves, ces séries valent
la peine qu’on les voie et qu’on y réfléchisse.
Pourquoi une chanson aussi brillante n’a pas été incluse dans l’album ‘Oh Mercy’,
ce mystère ne nous a pas été dévoilé jusqu’à ce jour.
Les notes d’accompagnement que John Bauldie écrivit en 1991 à
la parution de cette chanson dans ‘The Bootleg Series Volume 1-3’
contiennent une grande part de vérité :
" Dès l’ouverture cette chanson s’enflamme, et on ne perçoit aucun
relâchement, mais une montée en intensité et une dramatisation
au fur et à mesure de la narration des rêves.
Les images sont perçues confusément ou à moitié rappelées, incohérentes, déconnectées,
fugitivement chargées de sens, symboliques sans doute mais énigmatiques,
quelques fois troublantes, souvent touchantes.
Malgré cela en définitive elles se refusent fermement à une traduction littérale
et gardent leur merveilleux mystère.
‘Series of dreams’ est une conclusion adaptée au voyage fascinant
à travers quelques-unes des étendues les moins connues
et les réalisations d’une carrière de 30 ans.
Il nous montre quelle distance Dylan a parcourue,
et comme l’œuvre qu’il a accomplie est impressionante."
Traduire ces rêves dans leur sens littéral étant impossible,
cela rend l'analyse de cette chanson encore plus difficile.
Cependant, n’est-ce pas le célèbre psychiatre suisse Carl Gustav Jung
qui prouva que les messages (rêves) de l’inconscient sont
de la plus haute importance pour le rêveur,
qu’il y a toujours une sorte de pont entre les rêves inconscients et la réalité.
Par conséquent je crois sentir que dans cette chanson aussi,
quelle que soit l’incohérence de ces rêves,
on peut trouver une connexion vers la vie réelle, et aussi un
avertissement sérieux à jouer le jeu correctement faute
de quoi les images chaotiques, dénaturées, incohérentes
deviendront un état permanent, un cauchemar, et même un cauchemar sans fin.
Les idées marquantes de la chanson sont :
1) " L’ombrelle est repliée, dans le chemin tu es précipité "
2) " Les cartes ne valent rien si elles ne viennent pas d’un autre monde ".
1er couplet
Je pensais à des rêves en série
Dans lesquels rien n’atteint le sommet
Chaque chose reste là où blessée elle est tombée
Et est arrivée à un point final
Je ne pensais à rien de particulier
Comme dans un rêve quand quelqu’un se réveille et crie
Rien de vraiment scientifique
Pensant juste à des rêves en série.
Ce que nous appelons habituellement le temps est une création de Dieu.
Les êtres humains sont incapables de comprendre ce qu’est
réellement le temps.
Nous ne comprendrons jamais le sens réel de Dieu vivant
à la fois dans le passé, dans le présent et dans l’avenir,
et vivant dans ce qu’on appelle un " présent éternel ".
Dans les visions et les prophéties, et aussi dans les rêves, la différence
entre les époques passées, présentes et futures devient instable.
Une prophétie parle de l’avenir proche et simultanément de ce qui arrivera
le ‘jour dernier’ (cf. Joel 2:28-32, par exemple).
Les prophètes voient les choses en perspective et non comme
des événements en séquence ou s’enchaînant l’un derrière l’autre.
La même chose peut se passer dans un rêve. Comme il nous manque une dimension,
cela nous empêche de comprendre une certaine chose que
– si nous possédions cette dimension - nous accepterions comme une chose logique et rationelle.
C’est cela qui arrive dans cette chanson, tout arrive et n’arrive pas,
le temps y a un sens, et pourtant il n’y a aucun sens:
‘Rien n’atteint le sommet’ suggère que rien n’arrive à une conclusion.
‘Blessé’ suggère toutefois une action,
mais cette action est arrivée à un point final. Le temps s’est arrêté.
Ceci tient entièrement en une image, en un paysage.
L’action, la réaction et aucune action arrivent toutes simultanément.
Aussi n’est-il pas étonnant que la conclusion du poète soit :
‘Je ne pensais à rien de particulier’.
De telles émotions ne peuvent être attachées à un événement particulier.
Elles n’ont rien de scientifique,
rien qui puisse être analysé selon les standards terriens limités,
et pourtant il y a une sorte de pont vers quelque chose de réel,
tout comme quand quelqu’un au milieu de la nuit se réveille
d’un cauchemar et crie et une autre personne demande :
‘qu’est-ce qui ne va pas ?’
‘Oh c’était un mauvais rêve, c’était si terrifiant’,
à ce moment il y a toujours une espèce de lien,
une espèce d’interaction entre deux mondes très différents l’un de l’autre.
Certaines expériences tragiques, traumatisantes,
de la vie de tous les jours se reflètent dans les rêves,
elles sont emmenées dans un monde subconscient, et sont
ensuite ramenées au rêveur sous forme dénaturée.
2ème couplet
Je pensais à des rêves en série
Dans lesquels le temps et le rythme languissent (s’enfuient)
Et dans aucune direction il n’y a de sortie
A part celle que tes yeux ne voient pas
Je ne faisais aucun grand rapprochement
Je ne tombais dans aucun plan complexe
Rien qui ne passerait à l’inspection
Je pensais juste à des rêves en série.
Pour des rêves en série absolument, la différence entre
les dimensions du temps et de l’espace s’estompent.
Le temps et le rythme languissent (ou s’enfuient) :
On dit qu’une version des paroles a 'fly' au lieu de 'drag',
'fly' ferait la rime avec ‘eyes’,
mais Dylan chante manifestement 'drag'-,
comme si le temps d’une part pouvait s’immobiliser et devenir entièrement statique,
et d’autre part s’enfuir, comme quand vous
utilisez les boutons ‘stop’ et ‘avance rapide’ sur votre magnétoscope.
Ou comme quand vous repensez à cet accident de voiture presque mortel
que vous avez eu, quand votre vie défile en quelques secondes
et ensuite s’immobilise dans la sérénité.
Dieu seul (2 Pierre 3:8) a la capacité (encore) de faire qu’un jour
dure mille ans et que mille ans durent un jour,
mais dans ce cas c’est une réalité, ici ce n’est qu’un rêve,
‘un vide qui nous aspire dans une telle sensation’.
L’espace aussi disparaît ici. ‘Il doit y avoir un moyen de s’en sortir’,
pourtant dans aucune direction il n’y a de sortie.
L’homme ne croit que ses yeux, mais ses yeux ne lui disent que
des mensonges.
La sortie, la solution définitive, le coup dans le mille, est là
mais vos yeux le ne voient pas.
Une idée nous vient confusément dans ce rêve : ne pas se fier à ses yeux.
Cela semble illogique et bizzare.
Lorsque vous êtes dans un grand bâtiment ou une gare,
vous suivez les signaux que voient vos yeux pour
vous guider vers la sortie.
Mais de tels signaux n’existent pas,
vos yeux ne peuvent vous guider vers la sortie définitive.
Vous avez besoin d’autres ‘cartes’, mais elles sont d’un autre monde.
‘D’un autre monde’ pourrait bien devenir l’inscription de Dylan au-dessus de son œuvre.
Avant tout, j’aimerais revenir sur la 2ème partie de ‘Series of Dreams’
et remercier Terry Alderman qui m’a signalé
qu’il existait une autre version de cette chanson où ‘drag’ rime avec ‘bag’.
La voici :
Je pensais à des rêves en série
Dans lesquels le temps et le rythme languissent
Soudain la porte s’ouvre brusquement
Et te laisse accroché au sac.
D’après le contexte, ce couplet alternatif paraît tout-à-fait sensé.
Le temps languit – un jour semble durer mille ans - mais soudain
la porte s’ouvre brusquement – maintenant mille ans semblent durer un jour -
et vous voilà, dévêtu, nu, exclus, rejeté, jeté dehors sans presque rien.
C’est la porte du Paradis où chacun suit son chemin, soit à travers la porte
– sept par sept ils marchèrent vers le paradis,
huit par huit ils atteignirent la porte (de la chanson ‘2x2’) -
ou dans les ténébres éternels accroché au sac de
ses péchés non remis. Tout ceci se passe soudainement,
‘en un clin d’œil lorsque retentit la dernière trompette’ (I Cor. 15:52).
Venons-en maintenant au refrain de la chanson,
le point où le rêve s’emballe,
quand le bruit des percussions et du piano s’enflent,
donnant une emphase particulière au message le plus important caché dans ces rêves en série:
Des rêves dans lesquels l’ombrelle est repliée
Et dans le chemin tu es précipité
Et les cartes que tu tiens ne valent rien
A moins qu’elles ne viennent d’un autre monde.
En disant ces vers :
‘Je ne faisais aucun grand rapprochement,
Je ne tombais dans aucun plan complexe,
Je ne réclamais aucune aide en particulier’,
Le poète veut mettre l’emphase sur le fait qu’il n’a rien fait exprès,
aucune action n’est délibérée dans ces rêves en série,
comme les prophètes de la Bible il sert de messager,
qu’il soit ou non en agrément avec le message n’est pas pertinent.
Maintenant il voit une ombrelle repliée tandis qu’il est précipité dans un chemin.
Si vous tenez une ombrelle en l’air le bras tendu devant vous
dans un chemin étroit, les pans de l’ombrelle se plient
ou se ferment alors que vous avancez dans un chemin qui se rétrécit
de plus en plus. Vous ne voyez rien de ce qui est derrière
l’ombrelle dans ce chemin étroit.
Dans le chemin vous êtes précipités,
vous n’avez pas le choix. Tous les êtres humains sont précipités dans
les chemins glissants de l’histoire, et vous devez avancer guidé
par la foi et suivre l’ombrelle jusqu’à ce qu’elle se referme complètement.
Tout ce temps vous êtes guidés vers votre destination finale
par une carte ou ‘des cartes’.
Pourtant aucune carte faite en ce monde n’est valable,
aucune ne vous guidera à votre destination.
Aucune rédemption n’est possible.
Seule les cartes faites en un autre monde, qui viennent d’un autre monde,
qui viennent du paradis ont le pouvoir de vous guider à travers les océans déchaînés.
Dans l’un, tout gelait en surface
Dans un autre, j’étais témoin d’un crime
Dans l’un, je courais et dans un autre
J’avais l’impression que je grimpais sans cesse
Je ne réclamais aucune aide en particulier
Je ne poussais aucunement les choses à l'extrême
J’avais déjà parcouru la distance
Pensant juste à des rêves en série.
Le poète a déjà parcouru la distance,
il suit l’ombrelle dans le chemin où il a été précipité.
Il vit déjà dans un autre monde
– où la vie et la mort sont des souvenirs –
tout cela est arrivé lorqu’il a accepté Jésus dans sa vie.
Ses cartes sont bonnes. Mais en même temps il est encore ‘incarné’,
il vit aussi dans ce monde, un monde froid et gelé
où chaque jour on est témoin de crimes, où les mouvements
de tous ces millions de gens courant en tous sens dans
ce monde semblent si inutiles, j’avais l’impression que
je grimpais sans cesse, cela continue à l’infini, ostensiblement
sans but ni raison. Parfois cela est décourageant,
mais pourtant il est sur la bonne voie quand il pense à ces rêves en série…
BOB DYLAN: ‘Car je sais que Dieu me protège et me remettra dans le droit chemin’
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